L’Examen Périodique Universel des Nations Unies (EPU) est le seul mécanisme mondial de protection des droits de l’homme contrôlant le bilan de tous les États. D’ici la fin 2016, tous les États auront connu leur second EPU mené par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. La troisième série d’examens commencera au printemps 2017. Le moment est donc bien choisi pour faire le point : quelles sont les avancées de l’EPU et comment peut-on l’améliorer ?
L’EPU a été mis en place pour sortir des allégations de sélectivité et de partialité qui ont entaché l’ancienne Commission des droits de l’Homme. Il est universel, non seulement sur le plan géographique mais également d’un point de vue thématique. Le bilan sur les droits de l’homme de tous les États membres de l’ONU est débattu lors d’une réunion publique de 3,5 heures et des recommandations sont faites. L’État examiné doit indiquer quelles sont les recommandations qu’il accepte. L’EPU lui-même renforce les autres mécanismes de protection des droits de l’homme de l’ONU, car les recommandations appellent souvent les États à adresser une invitation permanente aux procédures spéciales en vue de la ratification.
Une étude, menée par EPU Info sur le niveau de mise en œuvre des recommandations dans 165 pays, conclut qu’une recommandation sur deux a été soit entièrement, soit partiellement, mise en œuvre trois ans après l’EPU. Des exemples concrets de la manière dont l’EPU a fait progresser les droits de l’homme sur le terrain incluent l’abolition de la peine de mort aux îles Fidji, la mise en place d’une loi protégeant les défenseurs des droits de l’homme en Côte d’Ivoire, la levée de l’interdiction des rapports sexuels entre personnes du même sexe aux Seychelles et à Nauru, et la réduction du nombre de crimes passibles de la peine de mort en Chine.
L’EPU est également devenu un véhicule pour promouvoir et légitimer un plus grand rôle pour les organisations de la société civile (OSC). Au Vietnam et au Sri Lanka, l’EPU a joué un rôle clef dans la légitimation du rôle des militants LGBTI. Le mécanisme a entraîné la constitution de coalitions d’OSC pour l’envoi d’observations conjointes à l’ONU avant l’EPU, ainsi que pour le suivi de la mise en œuvre des recommandations. On peut voir une coordination efficace des coalitions de la société civile en Australie, à Singapour, en Irlande, au Kenya, en Thaïlande, au Swaziland, pour ne citer que ces pays. Ces coalitions ont également servi de plateforme pour initier le dialogue entre les OSC et le gouvernement, ainsi qu’entre les OSC, sur des questions conflictuelles, notamment sur l’avortement et les mutilations génitales féminines.
Dans de nombreux pays, l’EPU a transformé l’antagonisme traditionnel entre les OSC et les gouvernements en une relation basée sur le partenariat et la coopération. Après le second EPU du Kenya, les OSC locales et l’institution nationale des droits de l’homme ont participé à l’élaboration du plan de mise en œuvre adopté par le gouvernement. En Colombie, un partenariat a été établi entre le gouvernement et une OSC internationale, Plan International, afin de mettre en œuvre une recommandation formulée dans le cadre de l’EPU ; cette collaboration s’est traduite par l’enregistrement légal, pour la première fois, de 500 000 personnes.
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A delegation from the United States presents for the Universal Periodic Review at the UN.
L’EPU a rempli son mandat visant à promouvoir l’universalité : aucun autre mécanisme international de protection des droits de l’homme ne peut se prévaloir d’un taux de participation de 100 % avec des États représentant toutes les cultures et tous les systèmes politiques. L’EPU a renforcé la reconnaissance des droits de l’homme, pas seulement en tant que problème local mais également en tant que responsabilité internationale.
Toutefois, en dépit de ses avancées significatives, il serait à la fois inexact et présomptueux de dire que l’EPU ne présente aucun défaut. L’énergie positive avec laquelle les parties prenantes approchent l’EPU ne sera préservée que si les États renforcent leurs efforts visant à mettre en œuvre les recommandations qui leur sont adressées. Le maintien de la crédibilité et de la légitimité de l’EPU dépend de sa capacité à répondre à la promesse d’améliorer la situation relative aux droits de l’homme sur le terrain.
Le talon d’Achille de l’EPU est le manque de mécanisme de suivi formel.
Le talon d’Achille de l’EPU est le manque de mécanisme de suivi formel. Les États devraient adopter des dispositions et des normes plus fortes pour le suivi, y compris l’établissement de plans d’action et de mécanismes de coordination nationaux. Alors que la mise en œuvre des recommandations est l’objectif, les comptes-rendus sur la mise en œuvre sont également essentiels. Tant les OSC que les États examinés doivent améliorer significativement leurs comptes-rendus afin que les États « examinateurs » sachent si, et dans quelle mesure, des progrès ont été accomplis depuis l’EPU précédent.
En l’absence d’un mécanisme de suivi officiel de l’ONU, qui surveille la mise en œuvre par les États, EPU Info a identifié trois caractéristiques des États qui participent avec succès au mécanisme.
Premièrement, vu le vaste champ d’application des recommandations issues de l’EPU, le gouvernement doit adopter une approche holistique concernant la mise en œuvre, avec la collaboration interne au centre de ses efforts. Des États comme la Grèce, par exemple, ont mis en place un groupe de travail interministériel chargé de la coordination de la mise en œuvre de l’EPU. À Maurice, un comité de pilotage comprend des membres du gouvernement, de la société civile et de l’institution nationale des droits de l’homme.
Deuxièmement, un élément essentiel d’une phase de mise en œuvre inclusive consiste en une société civile dynamique qui entreprend des actions qui viennent compléter celles de l’État. Les États sont fortement encouragés à s’engager dans des consultations larges avec la société civile, durant toutes les étapes de l’EPU. Il est important que les donateurs soutiennent financièrement les ONG nationales pour garantir leur implication réelle dans toutes les étapes de l’EPU. La campagne RightsNow, menée par les ONG irlandaises, plaide indéniablement en faveur des avantages stratégiques liés au travail en coalition.
Troisièmement, comme cela a été démontré en Mongolie, les partenariats entre le gouvernement et les OSC qui reposent sur la transparence et la confiance favorisent la mise en œuvre : leurs efforts cumulés sont complémentaires dans la réussite de la mise en œuvre des recommandations issues de l’EPU. L’EPU fonctionne mieux quand toutes les parties prenantes se tiennent à l’idée de coopération et d’universalité.
L’année 2016 est une étape importante pour l’EPU. Les États, la société civile et l’ensemble de la communauté internationale, ont un intérêt direct à la poursuite de son succès. Le mécanisme a, jusqu’à présent, démontré sa valeur. Un ensemble comprenant (1) des groupes de travail interministériels sur l’EPU et des systèmes de suivi national des droits de l’homme, (2) des coalitions d’OSC soutenues financièrement ; et (3) des partenariats et des réunions régulières entre toutes les parties prenantes à l’EPU, constituera une formule particulièrement efficace pour accélérer la mise en œuvre des recommandations issues de l’EPU. Beaucoup reste à faire, mais depuis sa mise en place il y a de cela huit ans, l’EPU a démontré sa capacité sans précédent à refonder les approches traditionnelles des droits de l’homme.