Récemment sur openGlobalRights, le journaliste indien Parsa Rao a fait valoirque les sociétés asiatiques et africaines doivent "encadrer le débat sur les droits de l’homme par leurs propres traditions intellectuelles et culturelles." Je suis d'accord; pendant trop longtemps, nos sociétés ont vu les droits de l’homme comme un concept extérieur et étranger.
Récemment sur openGlobalRights, le journaliste indien Parsa Rao a fait valoirque les sociétés asiatiques et africaines doivent "encadrer le débat sur les droits de l’homme par leurs propres traditions intellectuelles et culturelles." Je suis d'accord; pendant trop longtemps, nos sociétés ont vu les droits de l’homme comme un concept extérieur et étranger.
Cependant, contrairement à Rao et à d’autres auteurs pour openGlobalRights, je ne pense pas que cela nous oblige à fusionner complètement les droits de l’homme avec la religion. Cela est vrai même en Afrique.
Comme la sociologue pakistanaise Nida Kirmani, je crois que la religion représente souvent un véritable obstacle à la réalisation des droits de l’homme, et que les deux doivent être séparés. Cela est vrai dans le contexte sud asiatique de Kirmani, et ça l’est également sur mon continent, l'Afrique.
En Afrique, la religion - comme la démocratie - est un instrument de pauvreté et de puissance imposé de l'extérieur. Il y a quelques décennies, la religion était un mécanisme de la colonisation et de la conquête étrangère de l'Afrique. Aujourd'hui, la religion reste un outil puissant pour perpétuer la pauvreté et l'oppression que les mouvements des droits cherchent à abolir.
Ce lien entre la religion et l'oppression est particulièrement visible aujourd'hui au Kenya, où l'appartenance religieuse de la population augmente avec la hausse de la pauvreté et de l’insécurité. Les stations de télévision et de radio de mon pays parlent de religion plus fréquemment qu'auparavant, même si les kenyans dénoncent l’augmentation extrême du coût de la vie, le chômage persistant et l'insécurité physique grandissante. De plus, les célébrations officielles du 50e anniversaire du Kenya - Kenya @ 50 – comprenait plus de contenu religieux que dans les précédentes célébrations de la fête de l'Indépendance.
Kirmani écrit qu’au Pakistan et en Inde : «Le lien explicite de la religion et des droits de l’homme peut être très problématique pour des groupes particuliers, notamment les femmes et les minorités sexuelles et religieuses." Cela est vrai pour l'Afrique aussi.
Stevan Evans/Flickr (Some rights reserved)
Consider Ethiopia, where the authorities have done so much to harass and exclude the Muslim minority.
La droite religieuse chrétienne des États-Unis, ayant perdu tant de batailles dans son propre pays, exporte aujourd’hui sa lutte contre les minorités sexuelles en Afrique. Aujourd'hui, ces groupes chrétiens prennent une part de plus en plus importante dans le financement et l'organisation de la législation et des campagnes anti-gay au Kenya, au Zimbabwe et en Ouganda.
En octobre 2009, les législateurs ougandais ont montré le pire côté de cette influence en proposant une loi réclamant la peine de mort pour les homosexuels. Bien que les termes de la loi aient été par la suite modifiés avant son adoption par le Parlement en décembre 2013, elle reste draconienne. Elle impose des sanctions sévères, y compris la prison à vie, pour des relations homosexuelles consenties, et requiert l'emprisonnement pour la «promotion de l'homosexualité." Cette dernière clause vise spécifiquement les groupes ougandais à but non lucratif qui luttent pour les droits des minorités sexuelles.
La nouvelle loi ougandaise sape les victoires durement gagnées dans le pays pour la liberté d'association, d'expression et l'égalité, menace sérieusement les efforts de prévention du VIH, et a déjà déclenché un accroissement de la violence, du harcèlement et de l’intimidation contre les lesbiennes, gays, bisexuels, transsexuels et intersexués (LGBTI).
Cette nouvelle vague de violence soutenue par les chrétiens contre les personnes LGBTI est la principale raison du procès engagé par un organisme à but non lucratif ougandais contre Scott Lively, président de la "Abiding Truth Ministries," aux États-Unis. Le groupe ougandais a intenté un procès auprès de la Cour Fédérale, et cherchera à démontrer que Lively a participé et comploté dans la persécution des personnes LGBTI ougandaises.
La principale responsabilité des états est la mise en œuvre des droits de l’homme. Lorsque l'état et la religion ne sont pas clairement séparés, cela peut avoir de graves répercussions. Examinons le plan présidentiel d'urgence des Etats Unis pour la lutte contre le SIDA (PEPFAR), lancé en 2003.Il a été fortement influencé par la droite chrétienne américaine, qui s'oppose, pour des raisons de morale religieuse, aux campagnes de distribution de préservatifs en Afrique et aux efforts de prévention parmi les travailleurs du sexe. En conséquence, le projet américain a consacré son argent à des programmes d'abstinence, plutôt que dans les stratégies globales nécessaires. Ce qui, à son tour, a compromis la lutte contre le VIH / SIDA en Afrique.
Songez aussi à l'Ethiopie, où les autorités ont tellement fait pour harceler et exclure la minorité musulmane. Cela a abouti à un certain nombre de manifestations depuis 2012, que le gouvernement a violemment réprimées. De même, les vues conservatrices de l'Eglise éthiopienne ont plongé les personnes LGBTI dans une existence misérable dans laquelle ils sont confrontés au viol, aux assassinats, aux coups et au désespoir. Il y a des rapports concernant des personnes LGBTI éthiopiennes qui ont été tuées en toute impunité, battues, et même brûlés vives dans leurs propres maisons.
Comme le feu, la religion fait un bon serviteur. Comme maître, cependant, elle peut être tyrannique
Récemment sur openGlobalRights, le journaliste indien Parso Rao a écrit que l'Afrique doit adopter un cadre des droits de l’homme "en concordance avec ses traditions culturelles et intellectuelles." Mais nous l’avons déjà fait ! Nous avons adopté la charte africaine des droits de l’homme et des peuples en 1986, qui est le seul traité ratifié par tous les membres de l'union africaine (UA). Les africains ont déjà élaboré leurs propres normes et institutions des droits de l’homme, y compris la commission africaine et la cour des droits de l’homme et des peuples, le comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de l'enfant, et le traité de l'Afrique sur les droits de la femme.
Pourtant, dans un effort pour éviter ces obligations, les gouvernements africains dissimulent leurs responsabilités en rejetant la rhétorique du présumé néo-colonialisme occidental, le relativisme culturel et la morale.
En Afrique, de nombreux groupes confessionnels promeuvent les droits de l’homme, tandis que de nombreuses organisations africaines de défense des droits s'engagent avec les chefs religieux. Cependant, suggérer que l'ensemble du programme africain des droits de l’homme doit s’harmoniser avec celui de la religion revient à s’engager sur la pente glissante de l’exclusion et de violations des droits potentielles.
Comme le feu, la religion fait un bon serviteur. Comme maître, cependant, elle peut être tyrannique.
Le militant américain des droits de l’homme Larry Cox dit aux lecteurs d’openGlobalRights que les droits de l’homme doivent « considérer la religion » comme un contrepoids aux militants des droits de l’homme contemporains, qui dépeignent leur travail comme «quelque chose de laïque, juridique, et exercé par des professionnels." Ce portrait, dit Cox, éloigne les droits de l’homme « de la foule, dont l'action est nécessaire pour faire bouger les gouvernements. »
Cox a peut-être raison, mais la solution - du moins en Afrique - ne consiste pas à retomber dans un discours religieux. Ici, notre discours religieux a conduit principalement à l’exclusion, et perpétue trop souvent l'oppression des minorités. Nous pouvons, et devons, collaborer avec la religion, seulement quand cela est nécessaire.