Alors que sévit la pandémie mondiale, pour les réfugiés, notamment les jeunes adultes et les enfants scolarisés, à l’isolement social déjà très fort, s’ajoute l’isolement lié au confinement en vigueur dans de nombreuses villes. Pour que ces derniers ne soient pas les grands oubliés de la crise, tenir compte de la technologie éducative à disposition des réfugiés est impératif.
Le Royaume-Uni abrite des milliers de réfugiés et de demandeurs d’asile nouvellement arrivés. Les statistiques gouvernementales montrent que le Royaume-Uni a accordé l’asile à plus de 20 000 demandeurs en 2019, une hausse de 64 % par rapport à l’année précédente. De plus, les bénéficiaires de l’asile ont déposé 7 000 demandes d’asile supplémentaires au titre du regroupement familial au cours de ces dernières années. Depuis 2014, un programme spécifique est en place pour les Syriens qui sont 19 000 à s’être réinstallés au Royaume-Uni, un chiffre auquel il faut ajouter 1 700 mineurs non accompagnés. Aujourd’hui, ces réfugiés sont confrontés à des difficultés d’accès, de langue, et de connectivité en raison de la crise du Covid-19.
Au Royaume-Uni, les écoles ont commencé lentement à réouvrir à partir du 1er juin. Certaines écoles ont prévu de rester fermées jusqu’en septembre, date du début de l’année scolaire 2020-21. Les examens des étudiants du secondaire, comme le brevet des collèges (GCSE) et le baccalauréat (A-Levels), qui auraient normalement dû avoir lieu en mai, sont annulés. Les notes finales de ces examens dépendent aujourd’hui du travail scolaire réalisé chez soi. En temps normal, un jeune adolescent pourrait compter sur l’accès aux livres, aux ordinateurs, et à d’autres équipements disponibles au sein de l’école. En période de confinement, la réussite d’un étudiant peut être injustement lié au niveau de confort et d’équipement de son logement, un élément qui n’est pas de son contrôle.
Par exemple, les familles de réfugiés et de migrants qui ont déjà vécu des difficultés financières peuvent avoir du mal à partager l’utilisation des ordinateurs entre les adultes et les enfants qui composent le foyer. Cela signifie inéluctablement que ces étudiants devront dépendre de la connexion de leur téléphone portable. Les téléphones portables sont une planche de salut pour ces communautés et bien que les écoles se soient adaptées à l’apprentissage numérique, les technologies mobiles sont peu compatibles avec un programme scolaire numérique.
En période de confinement, la réussite d’un étudiant peut être injustement lié au niveau de confort et d’équipement de son logement, un élément qui n’est pas de son contrôle.
Salusbury World est une organisation locale du nord-ouest de Londres qui travaille dans les écoles et dans les quartiers afin d’aider les familles de migrants et de réfugiés et notamment les enfants. Comme de nombreuses organisations durant le confinement, Salusbury World travaille aujourd’hui en service réduit et dépend plus fortement des communications téléphoniques mobiles, notamment de la messagerie gratuite WhatsApp. Pendant cette crise sanitaire, Salusbury World assiste les réfugiés en les aidant, via le réseau Citizens Advice, à accéder aux services publics ainsi qu’en traduisant les directives en lien avec le Covid-19.
Une autre organisation, le théâtre Phosphoros, donne des représentations dans tout le Royaume-Uni avec des pièces qui parlent de la vie des réfugiés. Cette troupe londonienne est composée de jeunes hommes venus aux Royaume-Uni alors qu’ils étaient des mineurs non accompagnés. En temps normal, lorsqu’elle n’est pas en tournée, Phosphoros organise des ateliers de théâtre pour les jeunes réfugiés qui développent leurs compétences écrites et orales en anglais.
Depuis le début du confinement, Phosphoros a transféré ses ateliers de théâtre du monde physique vers le monde en ligne et a même joué certaines pièces en direct sur la toile. En avril, Phosphoros a lancé une série de courtes vidéos intitulées « Il y a une fin à tout », qui parle du double isolement lié à la condition de réfugié pendant la crise du Covid-19. « Ce moment aura également une fin » déclare l’acteur Mohamed Abdu Fahmi « et nous serons à nouveau libres ».
Vu le nombre limité d’ordinateurs portables au sein de leur communauté, rien ne laisse présager que les réfugiés scolarisés puissent bénéficier d’un accès adapté à Internet.
Marian Spiers, qui travaille au sein de Dost, un centre pour les jeunes réfugiés et migrants situé au sud de Londres, décrit le même type de difficultés en termes d’accès à la technologie. Dost offre notamment un lieu dans lequel les élèves pouvaient venir se détendre, faire du sport, jouer aux jeux de société et bénéficier d’une aide pour leurs devoirs. Depuis mars, Dost a organisé des sessions hebdomadaires, autours de différents thèmes, pour des centaines d’élèves qui se connectent souvent avec leur téléphone portable.
De nombreux élèves de Dost bénéficient d’une aide sociale et s’ils devraient théoriquement avoir les équipements nécessaires au travail scolaire, en pratique, c’est plus une question de chance. Certains d’entre eux ont reçu gratuitement un ordinateur portable, mais d’autres doivent avoir recours au système D pour pouvoir utiliser un ordinateur.
Même si les étudiants disposent du matériel adéquat, la question de l’accès à Internet demeure. Si de nombreuses sociétés de télécommunication au Royaume-Uni ont pris des mesures pour s’assurer que leur réseau puisse gérer le nombre record d’utilisateurs de réseaux mobiles et haut débit, aucun programme n’a été encore mis en place pour s’assurer que les étudiants vulnérables aient accès à ces réseaux. Cette problématique a amené les universitaires et les praticiens à renouveler leur appel en faveur de la prise en compte de l'accès à Internet en tant que droit humain.
Le monde était déjà dépendant d’Internet avant que la toile ne devienne le principal outil professionnel et éducatif, mais aujourd’hui notre dépendance totale à la technologie est en décalage avec les moyens déployés pour s’assurer que tous les membres d’un foyer puissent, à tout moment, accéder à Internet. Les trois organisations avec lesquelles je me suis entretenue sont satisfaites des nombreuses possibilités d’échange de vidéos et de messages. Elles déplorent cependant que, vu le nombre limité d’ordinateurs portables au sein de leur communauté, rien ne laisse présager que les réfugiés scolarisés puissent bénéficier d’un accès adapté à Internet ou d’un forfait de donnés illimité.
Dans le monde, le Covid-19 a révélé et aggravé les inégalités dans de nombreux domaines (santé, logement, sécurité alimentaire, etc.) et l’éducation est un des secteurs qui est en train de repenser complétement son mode de fonctionnement. En avril, l’Office de responsabilité budgétaire britannique prévoyait une baisse de 90 % de l’activité éducative au Royaume-Uni. Même avec l’assouplissement actuel des restrictions, le retour dans les salles de classe, avant 2021, des élèves du secondaire est incertain. Si, dans les pays les mieux lotis, les jeunes migrants et réfugiés sont laissés à leur sort, il est peu probable qu’ils soient les seuls dans ce cas. L’accès à l’éducation doit être revu dans son ensemble et la technologie mobile pourrait jouer un rôle clef.