Les propositions visant à améliorer la gestion de la protection des réfugiés sont souvent faites dans un milieu fermé isolé des contraintes politiques qui influencent le comportement des États dans le système international. Ailleurs dans ce débat, Bill Frelick décrit de quelle manière cette réalité politique limite les options. Comme de nombreux théoriciens des relations internationales vous le diront, les propositions mettant l’accent sur les obligations des États envers la communauté internationale, ou sur le transfert du pouvoir vers un organe international, sont peu susceptibles d’aboutir. Les États agissent en fonction de leurs propres intérêts et il est peu probable que le fait d’accepter un nombre élevé de réfugiés serve leurs intérêts. Comme l’illustre l’offre faite récemment par Angela Merkel d’accueillir des centaines de milliers de réfugiés, même quand les pays ont besoin de ressources et de main d’œuvre étrangère, accepter les réfugiés est souvent une décision politique difficile à faire passer. Ceux qui sont déterminés à promouvoir la protection des réfugiés ne doivent pas prendre ce débat à la légère. La protection est une question politique et nous n’avons pas d’autre choix que de nous impliquer en ce sens.
Malheureusement, de nombreux défenseurs des réfugiés restent bloqués dans le discours des obligations et des droits universels. Par conséquent, le caractère plus formaliste de leurs efforts visant à améliorer la protection des réfugiés, bien que partant de bonnes intentions, peut se révéler très éloigné de la réalité vécue au quotidien et s’avérer infructueux au final. Le droit international, et même les législations nationales, ont souvent peut d’effet sur le niveau réel de protection des réfugiés. L’Afrique du Sud, par exemple, est l’un des pays africains les plus légalisé et institutionnalisé, largement au même niveau que les pays à revenu intermédiaire d’Asie et d’Amérique latine. Elle affiche également l’une des législations sur les réfugiés les plus progressistes du monde. En fait, son droit des réfugiés fournit une protection dont la porté est plus étendue que celle contenue dans la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés ou dans les protocoles de l’Union africaine. D’un point de vue strictement juridique, il n’est guère nécessaire de réformer la législation : les demandeurs d’asile et les réfugiés ont sensiblement les mêmes droits que les citoyens, ils sont libres de vivre partout, de travailler et d’étudier, et ils ont la possibilité d’obtenir la résidence permanente.
Mais ce n’est que le droit. En pratique, les demandeurs d’asile et les réfugiés sont nombreux à être exclus de ces protections juridiques et font face au risque quotidien de détention et d'expulsion, indépendamment de leur statut légal. Pour les demandeurs d’asile qui rapportent souvent de terribles histoires de persécution et de violence, leur protection ne se traduit quasiment jamais par le statut de réfugié avec les avantages, du moins sur le papier, qui en résultent. Quand ils se tournent vers les tribunaux, même les victoires juridiques se traduisent rarement par une protection concrète et efficace. Lorsque les États et les bureaucrates contournent les décisions des tribunaux ainsi que la législation, le statut juridique et les droits formels ne veulent souvent pas dire grand-chose lorsqu’il s'agit d’assurer la sécurité et de nourrir les gens.
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Continued exclusion, persecution and violence against refugees in South Africa proves that legal status and formal rights often mean little in keeping people safe and fed.
Comment expliquer ce fossé entre le droit et la pratique ? Les défenseurs des réfugiés citent souvent le problème de sensibilisation ou de manque de capacité. Ce sont peut être de véritables problèmes mais le plus souvent, les pratiques préjudiciables en matière de protection ne résultent pas d’une erreur. Pourquoi ? Parce que, pour les États, la protection des réfugiés est un problème relevant de l’immigration. Alors que le HCR et d’autres acteurs ont cherché à distinguer les déplacements forcés des autres formes de mouvements transfrontaliers, ni les politiciens ni le public ne vont probablement voir la différence. Dans l’imaginaire politique, et dans le discours populaire, les réfugiés sont des immigrants et sont sujets au même type d’instrumentalisation et de vindicte populaire que tous les autres. Le fait que les réfugiés soient dans le besoin et affaiblis par les conflits exacerbe souvent la crainte que ces derniers posent des défis indésirables aux services sociaux ainsi qu’en matière de cohésion sociale.
Que tant que la protection des réfugiés est formulée dans des termes qui sont en opposition avec les préoccupations sécuritaires et économiques, les États ne vont probablement pas faire des réfugiés une priorité.
Pour ceux qui se préoccupent de la protection des réfugiés, il est nécessaire de se plonger dans le débat politique qui nous enferme dans des débats locaux sur des questions liées à la sécurité et à l’économie. Ce ne doit pas nécessairement signifier qu’il faille s’abaisser aux métaphores déshumanisantes de Trump ou du parti l’alternative pour l'Allemagne, mais cela revient à reconnaître que, si la politique est un combat, les droits des réfugiés sont toujours négociables. Comme le fait remarquer Emily Arnold-Fernandez, les États sont réactifs par rapport à leur population locale. Cela suggère que tant que la protection des réfugiés est formulée dans des termes qui sont en opposition avec les préoccupations sécuritaires et économiques, les États ne vont probablement pas faire des réfugiés une priorité, quelles que soient les obligations internationales ou nationales. Par conséquent, le fossé en matière de protection ne sera probablement pas comblé à l’aide de politiques officielles ou de réformes juridiques. La meilleure législation au monde sur les réfugiés n’aura que peu d’effet lorsque ceux qui cherchent à en bénéficier sont considérés comme des migrants économiques ou comme un risque sécuritaire. Comme le démontrent le cas sud-africain et la crise mondiale des réfugiés, les pays vont toujours trouver des manières de contourner les obligations internationales et nationales quand leur application est vue comme allant à l’encontre leurs intérêts. Et comme pour les questions liées au terrorisme ou à l’immigration, les États se sont montrés bien trop disposés à faire des exceptions à la règle au nom de la sécurité.
Même les dirigeants les mieux intentionnés et empreints de justice peuvent avoir des difficultés pour justifier l’absorption d’un grand nombre de réfugiés quand leurs propres citoyens sont en proie au chômage, à l’insécurité et à la pauvreté persistante. Les politiques ciblant les réfugiés peuvent même provoquer de vives réactions lorsque les populations locales ont le sentiment que leurs propres besoins ne sont pas satisfaits. Pour être efficaces, les efforts visant à réformer le système de protection des réfugiés doivent être accompagnés d’efforts visant à changer le discours ambiant. Comme le suggère Milner, les réformes vont exploiter plus efficacement les intérêts des États en sortant du contexte humanitaire pour aller vers d’autres domaines.
Les mesures visant à faire progresser la protection des réfugiés doivent reconnaître les différents et nombreux domaines concernés par les politiques relatives aux réfugiés. Les débats sur la protection touchent tout un ensemble de domaines et de considérations en matière de politiques publiques, y compris l’accès au logement, au marché du travail, à l’éducation, et à la santé. Pour être plus efficaces, et pour passer de la théorie à la pratique, les réformes doivent tenir compte directement de ces considérations plutôt que se focaliser exclusivement sur des considérations humanitaires. En même temps, ces efforts peuvent commencer à changer le discours ambiant en soulignant les compétences et les avantages économiques que les réfugiés apportent au pays.
Les défenseurs des réfugiées se sont depuis longtemps définis par la pureté de leurs intentions. Alors que les droits absolus de la protection des réfugiés sont séduisants, s’abriter derrière le droit ne suffit pas. Les défenseurs doivent de plus en plus chercher la solidarité avec les intérêts locaux, s’impliquer plus judicieusement dans la sphère politique, et lorsque nécessaire, agir discrètement pour faire changer le discours et encourager les dirigeants et le public à accepter, même s’ils ne les accueillent pas à bras ouverts, ceux qui ont besoin de protection.